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     Burundi

    Citoyens en danger

Comment l'instabilité politique au Burundi peut-elle créer les germes d'une guerre civile ? 

 


 Le 25 avril 2015, Pierre Nkurunziza, Président sortant, annonce sa candidature aux élections présidentielles burundaises pour un troisième mandat. Néanmoins, la Constitution adoptée en 2005 réduit le mandat présidentiel à cinq ans, renouvelable une fois. Une telle violation de la Constitution a provoqué un tollé ainsi qu'une scission au sein du parti de Nkurunziza, le CNDD-FDD (Le Conseil National pour la Défense de la Démocratie – Forces de Défense de la Démocratie). Le Burundi ayant acquis une certaine stabilité politique après des décennies de conflits ethniques se voit à nouveau ébranlé par une crise à la fois politique et sociale. Le devenir de cette crise est aujourd’hui incertain et nombreux sont les spécialistes qui se questionnent sur le sujet. 





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WRITINGFARGO

 Le vert symbolise l’espoir et l’optimisme, le blanc la pureté et la paix et le rouge représente le sang répandu dans la lutte pour l’indépendance. Les trois étoiles représentent les trois différentes ethnies : Hutu, Tutsi et Twa

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   L’histoire burundaise est ponctuée de crises interethniques et celle des années 1990 a mené à la guerre civile. Elles marquent encore aujourd’hui le paysage politique, économique et social burundais. En effet, la situation du Burundi est similaire à celle du Rwanda. La région est divisée depuis des siècles entre plusieurs ethnies : les Hutus qui représentent 85% de la population, les Tutsis 14% et les Twas 1%. Bien que ne constituant pas la majorité de la population, les Tutsis forment une grande partie de l’aristocratie et des riches paysans. Les Hutus, quant à eux, sont en général des paysans plus modestes. De ce fait, c’est aux premiers qu’a été délégué le pouvoir lors de la colonisation du pays par l’Allemagne au début du 20e siècle. Après l’indépendance, on a donc pu observer une lutte constante entre les deux groupes majoritaires afin d’accéder à la tête du pays. La particularité de ce conflit ethnique se retrouve dans le fait qu’il s’agisse également d’un conflit de classe. 

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Le contexte historique

  Le Burundi est un petit pays d’Afrique centrale. En effet, sa superficie est de 27830 km². Il se situe entre la République Démocratique du Congo à l’Ouest, la Tanzanie à l’Est et le Rwanda au Nord. Sa capitale est Bujumbura.


   Il s’agit d’un des pays les plus pauvres. En effet, il est pauvre en ressource et son PIB par tête ne s’élève qu’à 270 US$ en 2014. De plus, plus des deux tiers de la population vit dans l’extrême pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 1,25 US$ par jour. 



L’élément déclencheur de la guerre civile a été l’assassinat du Président hutu Melchior Ndadaye le 21 octobre 1993. Ce coup d’Etat est mené par l’armée, dominée par les Tutsis. Cela a entraîné le massacre de nombreux civils tutsis par représailles et la violence des hutus a provoqué la répression de la part de l’armée. Des atrocités ont été perpétuées dans les deux camps. On recense entre 100 000 et 300 000 victimes, principalement tutsies. Contrairement au cas du Rwanda, ces attaques n’ont pas été qualifiées officiellement de génocide. Mais le pays n’en reste pas moins à feu et à sang. Il y a 800 000 exilés, 180 000 déplacés à l'intérieur du pays et de nombreux burundais sont allés se réfugier dans les pays voisins que sont le Rwanda et la Tanzanie et la région du Zaïre. Un gouvernement d’Union Nationale est mis en place pour calmer la situation, mais le Major Buyoya reprend le pouvoir par un coup d'État le 25 juillet 1996 et les conflits perdurent. 

Le Premier Ministre Pierre Buyoya, dans une optique de stabilisation politique du pays, décide d’organiser de nouvelles élections pluralistes. Il s’agit donc de la première élection libre et démocratique. L’UPRONA qui était au pouvoir depuis 1961 est détrônée par le FRODEBU (Front pour la Démocratie au Burundi), un parti à majorité hutue avec Melchior Ndadaye à sa tête. Par la suite, une nouvelle Constitution est instaurée. Même si le nouveau Président nomme une tutsie au poste de Premier Ministre afin d’apaiser les tensions, les populations tutsies ne sont pas satisfaites de la situation. 

Après la proclamation de la IIIe République en 1987, avec le Major Pierre Buyoya à sa tête, la crise de Ntega et Marangara est assez inattendue puisque le nouveau régime avait été accueilli favorablement. La crise s’est produite dans les régions Ntega et Marangara, où les populations tutsies auraient massacré avec l’aide de l’armée les populations hutues, qui auraient elles aussi répondu avec violence en s’attaquant aux administrations locales. Il est néanmoins difficile de comprendre et discerner les éléments déclencheurs du conflit. Les estimations du nombre de victimes montent jusqu’à 30 000 morts

Informations générales


Les forces hutues des CNDD-FDD (Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie), en coalition avec le PALIPEHUTU-FNL (Parti pour la libération du peuple hutu-Forces de libération nationale), les deux principaux groupes rebelles pendant la guerre civile, attaquent Bujumbura, la capitale burundaise. Après ces attaques, le CNDD-FDD devient l’un des principaux acteurs politiques et s’impose sur la scène politique jusqu’à l’élection de Pierre Nkurunziza, le chef du parti, à la Présidence en 2005. Mais cela est bien loin de signifier que la sécurité a été rétablie dans le pays. En effet, le FNL a poursuivi les hostilités après même l’élection d’un Président hutu. Ce n’est qu’à la transformation du mouvement en parti politique que la situation sécuritaire s’est améliorée. La mise en place d’un programme de démobilisation et de réinsertion des forces armées ainsi que des groupes rebelles a également participé à diminuer la violence dans le pays. La guerre civile aura donc ravagé le pays pendant plus de douze ans. C'est pourquoi la situation actuelle alarme tant les populations et la communauté internationale.

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Le 28 août 2000, les accords d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi sont signés sous l’égide de Nelson Mandela. La ville d’Arusha se situe en Tanzanie et le choix de cette ville n’est pas vide de sens. En effet, c’est là qu’en 1992 le Rwanda signe des accords destinés à apaiser les tensions ethniques. Mais ces premiers accords ont failli à leur mission.

Les accords d’Arusha concernant le Burundi sont entrés en vigueur le premier novembre 2001. Ils prévoyaient une période de transition devant mener aux élections législatives en 2003 et aux élections présidentielles en 2004. Lors de cette période de transition, un gouvernement pluriethnique a été mis en place, avec une alternance à la Présidence entre Pierre Buyoya (Tutsi) et Domitien Ndayizeye (Hutu).

Les accords mettent officiellement fin à la guerre civile, mais celle-ci a laissé de nombreuses cicatrices. La plus importante restera probablement le fait que les atrocités perpétuées pendant la guerre civile n'ont pas été officiellement reconnues par la communauté internationale comme génocide. De ce fait, la situation burundaise a peu été relayée par les médias lorsque l'on compare au génocide du Rwanda.

CHRONOLOGIE




1919





1965








1972





1988







1992






1993








2000










2003


Le Traité de Versailles retire à l’Allemagne l’ensemble de ses colonies qui sont réparties entre les vainqueurs. La Belgique hérite d’un mandat sur la province du Ruanda-Urundi, constituée des Rwanda et Burundi actuels. La Belgique s’appuie alors sur l’aristocratie tutsie pour diriger le territoire de manière indirecte. 

Le 29 avril 1972, des groupes hutus menés par l'organisation UBU, le Parti des Travailleurs du Burundi, cherchent à prendre le pouvoir et à exterminer les Tutsis. L’insurrection qui en suivi a été réprimée avec violence. Elle a également donné lieu à une épuration aveugle au sein de l’armée afin de se débarrasser des potentiels opposants hutus. Le nombre de victimes se situerait entre 150 000 et 300 000 morts.

En autorisant le multipartisme en 1959, la Belgique ouvre la porte au conflit ethnique entre les tribus tutsies et hutues. En effet, des partis à majorité tutsie, comme l’Union pour le progrès national (UPRONA) s’opposent à des partis à majorité hutue tels que l’Union pour la promotion hutue (Uprohutu), le pendant burundais du Parmehutu (Parti pour l'émancipation Hutu) rwandais. En 1961, l’UPRONA remporte les élections législatives et déclare l’indépendance en 1962, instaurant une monarchie constitutionnelle. L’assassinat du Premier Ministre hutu en 1965 provoque des émeutes ainsi que le massacre de hauts placés et d’intellectuels tutsis, puis hutus en représailles. En 1966, après des élections législatives marquées par le conflit ethnique, le nouveau Premier ministre Michel Micombero renverse le roi et proclame la république, donnant lieu à l’émergence d’un régime militaire dirigé par les Tutsis. 

Le parti tutsi: UPRONA

Les partis hutus

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L'Union pour le progrès national

est un parti politique nationaliste burundais,

à majorité Tutsi. Il fut un acteur majeur de l'indépendance du pays.


Michel Micombero, arrivant au pouvoir après avoir renversé le roi en 1966 ainsi que Pierre Buyoya, qui a été trois fois à la tête du Burundi, étaient tous deux membres de l'UPRONA. 

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- Le Front pour la démocratie du Burundi (FRODEBU) est un parti politique progressiste burundais. Il a été considéré comme le parti de la majorité Hutus et est issu du Parti des travailleurs du Burundi. Melchior Ndadaye, dont l’assassinat en 1993 a marqué le début de la guerre civile, est l’une des principales figures du parti.


- Les Forces nationales de libération (FNL) est un groupe rebelle qui a été très actif lors de la guerre civile. Il constitue depuis peu un parti politique à part entière, dirigé par Agathon Rwasa.  Le FNL a entre autre participé aux attaques sur la capitale, Bujumbura.


- Le conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD) est un parti politique burundais, à majorité hutue. Il a été créé au début de la guerre civile, d’abord comme groupe rebelle, puis comme parti politique. Il s’agit du parti du Président actuel, Pierre Nkurunziza.

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Les acteurs principaux

Quels liens entre l’histoire du Burundi et la crise actuelle ?


Sources


La résonance internationale du conflit



Chronologie des événements de la crise burundaise


Tout d’abord, le fait que le Président Nkurunziza se présente pour un troisième mandat présidentiel va à l’encontre des Accords d’Arusha, puisque ceux-ci prévoyaient un mandat quinquennal, renouvelable une fois. En dehors du fait que cela viole des accords internationaux, c’est aussi un symbole qui est ici remis en question. En effet, les accords d’Arusha ont mis fin à 12 terribles années de guerre civiles en mettant en place un équilibre reposant sur le partage du pouvoir afin de désamorcer les questions ethniques qui ont ravagé le pays pendant des décennies. En essayant de les outrepasser, Nkurunziza ravive les tensions ethniques entre hutus et tutsis.

La recrudescence des tensions interethniques se ressent sur plusieurs points. En effet, la campagne présidentielle du Président sortant fait souvent allusion à ces tensions, en accusant le FNL de « pactiser avec l’ennemi » quand celui-ci se rapproche de l’UPRONA tutsi. De plus, les critiques à l’encontre de Nkurunziza de la part de la minorité tutsie étaient assez virulentes avant même la décision de celui-ci de se représenter aux élections, que ce soit dans la population ou dans les médias. Enfin, un programme controversé de restitution de terres aux réfugiés de la guerre civile a exacerbé les tensions, dans un petit pays pauvre, essentiellement rural et l'un des plus densément peuplé du continent. Il semble donc que même si le Burundi est sorti de la guerre civile depuis plusieurs années, celle-ci reste très présente dans les esprits et sert d’arrière-plan aux débats publique et politique. 

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